La traque aux cafés hors-la-loi  s’intensifie à Casablanca

Descentes de police dans certains estaminets accusés d’être impliqués dans le trafic de drogue


Naîma Cherii
Lundi 14 Avril 2014

La traque aux cafés hors-la-loi  s’intensifie à Casablanca
 
Visiblement, les éléments de la brigade anti-stups de Casablanca ne savent plus où donner de la tête. Le trafic des psychotropes et de la drogue semble prendre de l’ampleur dans plusieurs quartiers de la ville. Et les dealers ne manquent pas, en fait, d’imagination pour écouler leurs marchandises. Dans la rue, près des établissements scolaires ou encore dans les cafés, il faut dire que les mafias de drogue ne se préoccupent guère des mesures prises par la DGSN pour resserrer l’étau autour de leur «business». 
Dans quelques-uns des cafés «hors-la-loi», l’ambiance est actuellement on ne peut très tendue. Ces derniers jours, les brigades antidrogues ont effectué des descentes dans certains quartiers contre quelques cafés dont les gérants sont accusés d’être impliqués dans le trafic de drogue. Ces opérations se sont soldées par l’arrestation de ces personnes pour avoir tenu et préparé un local pour consommation et vente de drogue, indique à Libé une source policière à la wilaya de la sûreté du Grand Casablanca. Selon cette même source, dans les prochains jours, d’autres campagnes devront être lancées pour mettre fin aux activités illégales auxquelles se livrent certains gérants de ces cafés « hors-la-loi ». 
Une mission qui, selon des voix associatives, ne va pas porter ses fruits. En tout cas, pas pour l’immédiat. Et pour cause, tiennent à souligner ces mêmes voix, l’ampleur du phénomène de ces cafés ne cesse de croître dans le Grand Casablanca. 
« Si certaines opérations se sont soldées par des arrestations dans quelques cafés dont les gérants s’adonnent à des activités illégales, ce n’est pas sûr que la mission des limiers soit facile, du fait que ces campagnes sont occasionnelles. Le phénomène est tellement répandu qu’il faut beaucoup de temps pour venir à bout de ces cafés dont les gérants sont impliqués dans le trafic de drogue», confie à Libé un associatif de la place.
En effet, poursuit-il, « ces derniers jours, il semblerait que  l’ensemble des cafés qui sont des lieux de prédilection de chicha (narguilé) et de toutes sortes de drogues ont eu vent desdites descentes de police. L’arrestation de dealers semble donc difficile. Car ceux-là se sont déjà entourés de toutes les précautions possibles ». 
Pour nous convaincre, notre source propose d’effectuer, en sa compagnie, une visite au niveau de certains quartiers de Casablanca connus pour ce type de cafés.  
Première étape de notre tournée, Moulay Rachid, un quartier connu pour ses cafés de chicha où toutes sortes de drogues seraient disponibles. Sur le boulevard, Driss Harti, nous découvrons une quinzaine de cafés de chicha dont les propriétaires seraient, tous, d’anciens RME d’Italie. A en croire cet associatif, la plupart d’entre eux auraient été refoulés d’Italie pour implication dans des affaires de drogue.
Alors que nous étions sur le point d’entrer dans l’un de ces cafés, son gérant s’est précipité pour nous lancer : «Désolé, Madame vous ne pouvez pas rentrer». En bon connaisseur des lieux, notre accompagnateur confie que dans ces cafés, l’accès est interdit aux femmes. Il précise :«On vient ici pour y consommer chicha, mais aussi pour s’approvisionner en drogue». Notre interlocuteur, qui sait de quoi il parle, raconte : «Lorsqu’il était encore dépendant du maâjoun (avant de devenir associatif), il venait souvent dans ces cafés pour en chercher ». Au début, poursuit-il, les jeunes viennent ici pour consommer de la chicha. Mais petit à petit, ils en deviennent très dépendants et de toutes sortes de drogues». A en croire notre source, «au lieu de mettre le tabac et le «m3assal», on met du  «haschisch» pour que les jeunes en deviennent accros. Il faut dire que depuis leur ouverture, ces lieux ne désemplissent plus. Jeunes, adultes et moins jeunes y viennent dépenser la totalité de leur économie à en consommer». Un vrai business, selon notre guide. 
Notre visite (8 avril) dans cette zone survient quatre jours après les dernières descentes contre des gérants de quelques  cafés à chicha situés dans le quartier de Moulay Rachid. Les clients n’étaient pas très nombreux dans ces lieux qui connaissaient une forte affluence. Notre accompagnateur prévoit que cette situation devrait encore durer. Il explique cela par les dernières opérations coup de poing des brigades anti-stups dans ces lieux. Lesquelles opérations n’ont pas manqué de susciter l’inquiétude des propriétaires de ces établissements. 
Des gérants de cafés situés dans ce même district affirment à Libé que cette « traque » contre les cafés à chicha risque de nuire à leur commerce. « Depuis quelques jours, des gérants ont été arrêtés pour avoir aménagé leurs cafés pour la consommation de drogue. Des informations parlent d’autres descentes qui vont être multipliées contre ce genre de cafés. Mais cela ne veut pas dire que tous les cafés sont impliqués dans des affaires de drogue », a-t-on relevé. 
Quoi qu’il en soit, dans le district de Moulay Rachid, les familles du voisinage sont catégoriques. Elles demandent que ce commerce soit interdit aux jeunes. « Les autorités casablancaises doivent interdire cette activité. Car ces lieux sont, de plus en plus fréquentés par des jeunes toxicomanes qui y viennent consommer de la drogue», martèle l’une des habitantes de ce quartier. Elle déplore que les autorités tolèrent la consommation du narguilé dans les cafés. 
Des gérants de cafés sans scrupules qui empoisonnent des générations de jeunes et qui n’hésitent pas à transformer leurs cafés en des lieux de consommation de drogue, on en trouve aussi dans le quartier de Bournazil, deuxième étape de notre tournée. Sur le boulevard Mohamed Bouziane, un autre lieu célèbre pour ces cafés de chicha (environ 27) où il est, de plus en plus, fréquent de voir des jeunes consommer de la chicha, accompagnée d’autres produits psychotropes, affirme-t-on. « L’addiction des jeunes qui fréquentent ces cafés dont les gérants permettent d’en consommer entraîne souvent des crimes atroces dans le quartier », tient à relever Hadj Ahmed, l’un des habitants. Il ajoute, non sans colère : «Nous souhaitons que ces lieux soient définitivement fermés par les autorités. Car il est inadmissible de permettre aux propriétaires de ces cafés de continuer leur activité illégale ». 
Dans l’ancienne Médina, un autre point noir, les limiers poursuivent également leur chasse contre les gérants de ces cafés-«hors-la-loi» où des dealers - et eux-mêmes - s’adonneraient à leurs activités illicites en toute impunité. « Atlantic », « Lampera » ou encore « Layali », ces trois cafés ont été ciblés par la police anti-stups du district d’Anfa, il y a plus de trois mois. Les gérants de ces cafés ont été arrêtés, pour avoir tenu et aménagé un local pour consommation et vente de drogue. Certes,  ces trois cafés ont été fermés comme nous l’avons bien constaté, ce mardi 8 avril. Mais le grand travail reste encore à faire, selon des associatifs locaux. 
Ces derniers affirment à Libé que « l’activité des dealers bat son plein dans l’ancienne Médina ». Il ajoute, non sans colère, :«Ces derniers n’hésitent pas à s’activer dans d’autres cafés « hors-la-loi », lesquels cafés ne sont même pas autorisés ».
Même son de cloche chez les habitants de l’ancienne Médina. Ils crient au scandale et assurent que pratiquement tous les cafés s’adonnent à cette activité. « Les jeunes dealers se livrent à leur trafic illégal dans ces cafés non autorisés et qui deviennent un lieu de prédilection pour bon nombre de ces dealers qui viennent même des autres quartiers comme Derb El kébir», lance Fatima, une mère de six enfants dont l’un est justement dépendant des psychotropes. Elle conclut :«Nous saluons ces dernières opérations sécuritaires. Mais le problème est que c’est toujours occasionnel. Vous allez voir, si vous revenez dans quelques mois (2 ou 3), les cafés fermés vont reprendre leurs activités. Et même pour les cafés ayant été épargnés, leurs gérants sont aussi pointés du doigt. On sait, tous, ici, qu’ils s’adonnent au trafic de drogue. Ils attendent seulement que les choses se calment avant de reprendre leur activité ».
Une source sécuritaire a confié à Libé que d’autres campagnes devront être menées dans ce quartier contre les gérants de quelques-uns de ces cafés pointés du doigt. Mais ces derniers ont, semble-t-il, eu vent de ces prochaines campagnes. « A cause des dernières descentes menées par les flics, nous avons perdu notre clientèle. Notre activité a beaucoup baissé.  Les policiers ne vont rien trouver dans notre café. Car ici on ne tolère ni la vente ni la consommation des drogues. D’ailleurs, vous voyez cette pancarte affichée là. C’est écrit :«Les drogues sont interdites dans ce café», a martelé l’un des gérants de ces cafés que Libé a visités.


Plaintes

Des acteurs associatifs de la place affirment avoir déjà adressé aux autorités locales des plaintes dénonçant la consommation de «chicha» et ses effets nocifs sur les adolescents. Quelques cafés n’ont même pas d’autorisation et ne sont guère contrôlés, ont-ils relevé. 
Pourtant, l’usage du narguilé doit être strictement interdit dans les cafés. En 2004, rappelons-le, un arrêté a été signé dans ce cadre par la wilaya du Grand Casablanca pour l’interdiction du narguilé dans les lieux publics. Mais bon nombre de cafés, très prisés par des jeunes et moins jeunes, ne cessent d’en servir jusqu’à aujourd’hui. Il suffit d’ailleurs de faire une tournée dans quelques quartiers de la ville pour s’en rendre compte.
 




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